mardi 1 février 2000

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Ma première saison en course en 2006 à bord d'Oyapock, voilier de série

Depuis 2001, la Sélect 6,50 ouvre la saison en Atlantique, une mise en jambe de 300 milles soit 555 km. Parmi les 83 minis sur la ligne de départ à Pornichet, c’est ma première en solo avec mon le Pogo 2 n°480. Si cette course s’accompagne traditionnellement de rudes conditions climatiques (2004 et 2005 ont connu 30 à 50 % d'abandons), cette édition est marquée par des conditions très contrastées et difficilement prévisibles (traversée d’une dorsale anticyclonique alternant moles et brouillard, vents forts contre courant, et synoptique des 4 points cardinaux).

Les différents pointages aux sémaphores du parcours permettent de se situer par rapport aux concurrents grâce à l’écoute de la VHF. Et Oyapock c’est au lever du soleil que l’on peut voir les résultats de ses choix tactiques nocturnes. Quant à la fatigue, c’est lors de la remontée sur Groix qu’elle se fait le plus ressentir (moins de 2 heures de sommeil en cumulé sur les 3 jours) mais il faut tenir coûte que coûte, arrondir Quiberon sous solent, Houat et Hoëdic contre le courant, et le plateau du Four dans la brume, avant d'entrer dans la baie de la Baule sous genaker. L'objectif d'Oyapock et de Véronique était de franchir la ligne d'arrivée dans les temps, c'est-à-dire avant Jeudi 4 Mai 23h59. Le mini 6,50 n°480 a franchi la ligne d'arivée sous spi de capelage à 19h00 et 3 sec, en 30ème position : première mission accomplie pour Oyapock !



C’est dans la baie de Douarnenez le 25 Mai 2006 que la procédure de départ (chronologie en 5 minutes) est donnée pour la 1ère édition du « Trophée Marie-Agnès Péron », épreuve qualificative pour la Transat 6,50 de 2007. Nous partons pour 2 jours, en solitaire, réaliser une course de 210 milles (soit 390 km). Cette nouvelle épreuve de la Classe Mini rend hommage à Marie-Agnès Péron, navigatrice disparue en mer lors de la Mini-Transat de 1991.

Parmi les 67 minis 6,50 sur la ligne de départ,Oyapock dispute les premières encablures avec des minis de 12 nationalités : Belgique, Grande-Bretagne, Suisse, Australie, Pays-Bas, République Tchèque, Pologne, USA, Portugal, Allemagne, Slovénie et France.

Très vite, je juge mon départ décevant… mais la brume naissante ne me laisse pas la possibilité de comparer ma progression par rapport à la route de mes concurrents. Il faut jouer solo, et faire confiance à ses propres réglages. Le passage du Raz de Sein, 6 heures plus tard, est un goulot qui permet enfin de deviner dans la brume épaisse des voiles à fort rond de chute (caractéristique des mini6,50). Si tôt la baie des trépassés et le phare de la Vieille passés, j’envoie le grand spi d’Oyapock (70m2) qui me permet enfin de doubler une dizaine de voiliers (dont je devine les lumières de tête de mât). Toute la nuit, Oyapock vogue vite (entre 7 et 10 nœuds, soit 18 km/h): nous doublons la dangereuse pointe de Penmarc’h, empannons plusieurs fois pour traverser les Glénans, évitons de justesse un pêcheur qui fait fî des règles de prévention d’abordage ! Oyapock essuie aussi 6 à 8 départs au lof (surpuissance dans le spi qui couche le bateau et le ramène dans l’axe du vent). Au lever du jour, je suis plutôt satisfaite car j’ai réussi à dormir 5 fois 20 minutes (c’est un progrès pour moi) et, en m’entêtant à garder mon spi en tête, je pense avoir repris une place honorable.

Les bords que je mène successivement sous genaker puis au près sont difficiles psychologiquement car je n’ai pas de repère, il faut cependant poursuivre et se battre coûte-que-coûte ! Enfin, je recroise des concurrents qui m’avaient doublé à Groix. J’entâme la nuit dans une meilleure posture mentale, mais les évènements nocturnes que je suis amenée à suivre à la VHF (veile permanente obligatoire) donne des frisons dans le dos: pris au piège par les forts courants et le brouillard profond de la chaussée de Sein, 10% des minis se sont échoués, certains à l’endroit même où la veille, la SNSM et la marine nationale oeuvrait déjà pour retrouver E. Michelin.

Cette nuit-là, alors que les secours s’agitent, je perds 1h et demi car je progresse à tâtons vers l’occidentale de Sein, que je ne parviens pas à situer…A lors qu’enfin je devine son halot, je suis à 0.2 mile (sa lumière à une portée de 6 milles) et elle ne fait aucun bruit (elle est normalement dotée d’une corne de brume). Un soulagement qui me permet enfin de m’étendre quelques minutes alors que le lever du jour pointe son nez ! Quelques heures plus tard, Oyapock passe la ligne d’arrivée sous spi de capelage, en 20ème position série, avec cette belle leçon de morale dans l’étrave : ne jamais perdre confiance en soi, toujours persévérer !


Avec presque une centaine de bateaux sur la ligne de départ, jamais la Mini-Fastnet pourtant à sa 21ème édition, n’avait connu pareille affluence. Le prologue organisé la veille décore la baie de Douarnenez des couleurs de 12 nationalités différentes. Oyapock s’offre une belle 12ème place, derrière « Orange», le temps pour son équipage de prendre ses marques. La brise thermique qui souffle (14 nœuds d’ouest) ne laisse pas encore présager de la bulle anticyclonique qui s’installe alors en mer d’Irlande.







Ce sont 200 marins qui s’élancent le lendemain midi au près et tentent d’appliquer au mieux les principes de Bernouilli, les théories du Bernot et les entrées des routeurs auxquels les plus préparés ont eu affaire avant d’embarquer. C’est notre cas, nous bénéficions des dernières analyses de« fameux » météorologues, spécialistes de la course au large: la difficulté réside principalement dans l’évitement de la zone sans vent située au centre de cette zone de haute pression. Nos routeurs s’accordent à dire qu’il faudra contourner la zone par le sud. Jusqu’au phare de Wolf Rock situé entre les îles Scily et l’Angleterre, nous sommes du bon côté du plan d'eau. Le grand genaker en stormlite que nous envoyons si tôt l’Angleterre passée nous fait légèrement abattre vers notre option sud et nous avançons plus vite que ceux qui s’acharnent à faire du près. Ceux-là ont choisi la route directe pour le Fastnet, ils ont en réalité bien raison ! Les pressions relevées au baromètre montent anormalement dès le lendemain soir, nous espérons secrètement que les autres sont encore plus empétolés que nous … Mais les positions des conccurents passés en route directe et relevées à 8 heures du matin par VHF nous en dissuadent. Malgré le suivi attentif des bulletins météo de France Inter et des gardes côtes anglais, la «fameuse» bascule à gauche que nous attendons sous 24 heures et qui doit nous permettre de réaliser le « coup de la cuillère » ne pointe pas.

Enfin le vent reprend doucement à l’approche du Fastnet, c’est l’occasion de doubler un concurrent en orchestrant un bel empannage sous spi et en rasant l’ombre noire du phare dans la lumière violette de l’aurore. Après avoir mis 24h à parcourir les 50 derniers milles, nous entamons la descente sous un nouveau jour. Le système météo que nous touchons est bien différent de l’aller : une zone dépressionnaire centrée sur le Golfe de Gascogne lève une houle rapidement désordonnée et la mer devient vite mauvaise. A la VHF, nous comprenons que 3 de nos conccurents ont dématé, ils se détournent vers l’Irlande sous gréement de fortune. Même si nous sommes trempés, la descente est beaucoup plus facile, on peut enfin jouer avec le vent! Il n’y a guère qu’au passage des rails d’Ouessant que le ventre tombe avec l’arrivée de la brume. A bord, on reste très vigilant en guidant Oyapock au son des cornes de brume des cargos… Bientôt le fond de la baie de Douarnenez apparaît. Notre périple a duré 6 jours et 7 heures, soit 24h de plus que le peloton de tête passé en route directe.

Conclusion :
- Par rapport au solitaire, la gestion du bord en double permet de mieux exploiter le potentiel du voilier.
- Par très petit temps, le pilote électrique barre bien mieux qu’un équipier fatigué.
- Toujours vérifier les vivres avant le départ ! Responsable de l’avitaillement, mon équipier, pourtant très efficace, en a oublié la moitié, et nous avons du nous rationner en partageant les derniers lyophilisés.
-A notre retour, un spécialiste de Météo France nous a expliqué que le déplacement des anticyclones est aléatoire et imprévisible, la prévision des vents reste donc peu fiable à l’approche de leurs centres.
Moralité : Dans l'anticyclone, faire la route directe et laisser les autres prendre des risques !







Entre le rase-caillou de Bréhat, des Sept-îles, de Lundy Island, et les longs bords hauturiers de la double traversée de la Manche, l’Open Demi-Clé est à mes yeux la plus variée et la plus intéressante des courses du circuit Mini Atlantique. Outre le fait qu’elle se joue en double, les 3 étapes de la course permettent de mieux appréhender nos concurrents et leurs techniques, de faire le point avec son équipier à l’issue d’une étape et de mieux préparer la navigation suivante. Sans compter que les escales offrent la possibilité de réparer à terre, un luxe dont nous avons largement profité !

Lorient, un départ mouvementé. A quelques malheureuses heures du départ de la première étape, le profil du mât d’Oyapock (le tube en aluminium) me cachait une faiblesse dont j’étais loin de me douter : le dernier point de ma checklist stipulait de vérifier le gréement et d’ajuster les réglages de haubans si nécessaire. Pour cela, j’avais eu tord d’attendre l’arrivée tardive de mon coéquipier… En montant en tête, nous nous sommes rendus compte de l’étendue des dégâts : 3 des 6 embouts qui servent d’encrage aux haubans sur le mât étaient fissurés ou même déjà rompus. Un démâtage assuré si l’assistance de ma famille venue me rendre visite n’avait pas permis de se procurer de toute urgence le matériel de remplacement. Premier défi relevé ! La ligne de départ est passée dans les temps, avec une nouvelle bonne leçon à la clé : la tenue et l’équilibre du gréement font partie des premiers points à vérifier, pour un départ aussi bien qu’à l’issue d’une course.

1ère escale à Brest, les soucis de gréement continuent. Sur les pontons, le représentant d’«Iroise Gréement» se creuse la tête avec moi : les encrages détériorés ont abîmé la découpe dans le mât, à l’endroit où ils viennent prendre appui. La solution pérenne, c’est la mise en place de renforts, découpés dans un autre mât de pogo 2, et ceci avant le départ du lendemain matin. A nouveau, le défi est lancé in extrêmis et l’objectif atteint à temps ! Je repars tranquillisée. Je sais que si le gréement tient la 2ème étape, il supportera la 3ème.

Une belle 5ème place pour l’étape la plus longue. L’arrivée des 500 milles parcourus en Manche est magique. Dans les lueurs de l’aube, nous profitons d’un souffle qui semble venir de nulle part (brise de mer alternée avec une brise de terre) et dont nous sommes les seuls à profiter : jonglant avec un spi tantôt tribord tantôt babord amures, nous doublons nos concurrents, trop fatigués pour tirer parti de la situation. Dès le lendemain matin, les préparatifs reprennent sur le ponton. Nous avons 48 heures de sursis et 1000 actions à remplir. Suspendue à la drise de spi, alors que je refais un tour minutieux de mon gréement dormant et coulant, j’apprends au téléphone que le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) a décidé d’encourager le projet ! Je suis au bout de mon harnais mais dans ma tête, je saute de joie. Non seulement je vais aller à la rencontre d’enfants à qui j’expliquerai l’aventure d’Oyapock, mais je sais aussi que c’est un passeport pour la commande d’un profil neuf, autrement dit le début… de la fin de mes ennuis !

L’arrivée à Lorient A plusieurs reprises dans la nuit noire, nous accrochons de copieux paquets d’algues dans les safrans et la quille. Dès que la moyenne de vitesse chute , il faut bondir et s’en séparer à tout prix. Toute la descente, nous marquons notre concurrent le plus dangereux, le mistral 6,50 « Napadélis ». Cette tactique nous conforte dans notre 6ème place au général et sur l’ensemble de la course. Le travail à bord d’Oyapock commence à porter ses fruits.

La qualification à la Mini-Transat 2007 continue avec une nouvelle étape : celle des 1000 milles à parcourir seule et surtout, sans assistance. Même si ce n’est pas une course, c’est déjà un premier goût de l’aventure salée qui m’attend dans un an, puisqu’il s’agit de conforter mon appétence de solitaire ainsi que ma capacité à me sortir de toute situation embarrassante. A Kourou, de nouveaux amis m’ont appris l’art d’utiliser le sextant (ce dont j’aurai besoin pour cette épreuve). Le parrain de bateau, Piere-Marie Lebris, se déplace début Septembre pour préparer le voilier avec moi.