jeudi 12 août 2010

Quand galère rime avec solitaire, Véronique voit double

Jeudi 12 août 2010

Tu as couru une bonne partie de la première étape sans pilote. Que s’est-il passé ?  
Au bout de 2 jours, après le passage du rail des cargos au Cap Finistère, le pilote principal a cessé de fonctionner en raison d’une surconsommation en courant. J’ai aussitôt basculé sur le vérin de secours, mais le problème a persisté La 3ème configuration de pilotage, complètement indépendante, n’a pas fonctionné correctement. Le bateau était prêt avant le départ, je n’ai pas eu de chance.
 
Pourquoi ne pas s'arrêter pour réparer, quand tu es passée près des côtes espagnoles ? 
Je me suis posée la question au passage du Cap Finistère, mais, en raison d'un autre problème, la pile à combustible ne démarrait pas. C‘est le seul moyen de recharger mes batteries. A mes côtés, le n°787 Thomas Normand rejoignait la Corogne pour des problèmes similaires. Contrairement à lui, j’ai réussi à la redémarrer. Ce succès m’a boosté au point de continuer. Revenir sur mes pas aurait été plus éprouvant, naviguer au près avec 20-25 nœuds, dans des vagues qui déferlent : tout le contraire de la glisse ! J’aurais mis du temps, bateau gîté et trempée, pour un résultat bien incertain. Sans compter qu’au moment où je serais repartie, j’aurais fait ma course toute seule, sans la motivation de doubler des concurrents. Les investigations menées aux Açores sur mes configurations de pilote ont conclu à un changement du calculateur (un transistor HS en sortie du calculateur). Je ne regrette pas mon choix car le temps nécessaire aux investigations, à l’acheminement d’un nouveau calculateur et à son remplacement m’aurait fait perdre un temps considérable. Alors qu’en continuant, je suis restée dans le match, il reste la seconde étape.


Comment as-tu géré ta course sans pilote ?
 La vie à bord n’est pas facile sans pilote, en particulier aux allures portantes (lorsque le vent vient de l’arrière du bateau), rencontrées pour les 4 cinquièmes du parcours. Un pilote « intelligent » va corriger les écarts de route du bateau en fonction des vagues et des variations de vent apparent associées. Je devais bloquer la barre pour manger et dormir mais cette technique s’est avérée parfois très scabreuse voire dangereuse. La plupart du temps j’étais dans un demi-sommeil dans le cockpit à l’extérieur. Ce sont les sautes d’équilibre du bateau qui rythmaient mes phases de repos. Quand j’étais trop fatiguée, j’affalais mon spinnaker. Je perdais beaucoup de terrain la nuit puisque les autres gardaient de la toile. Très vite avec le manque de sommeil, j’ai eu des hallucinations. J’imaginais un collègue à bord à qui je cédais la barre pour aller me reposer 5 minutes. C’est très difficile de faire la part entre rêve et réalité… Le plus dangereux, c’est de passer par-dessus bord, les faux pas sont irrémédiablement plus nombreux avec la fatigue. J’ai gardé mon harnais et suis restée attachée à la ligne de vie le plus souvent possible.
 
La fatigue et l’absence de pilote ont dû compliquer la gestion des problèmes à bord ? 
Au surf à 14 nœuds, mon amure de spi a lâché. Plus grave, la stratification carbone du bout du bout-dehors qui retient toutes ses fixations a cédé. L’espar de 3 mètres s’est levé verticalement emmenant avec lui le spi de 70 m2. A ce moment là, je n’avais plus de pilote et la mer était formée. J’ai tout récupéré à bord et constaté avec soulagement que le tube était intact. La réparation de fortune a du me coûter deux bonnes heures mais surtout de la fatigue supplémentaire, car, à l’avant du bateau, les vagues me faisaient jouer à saute-mouton et m’ont trempée jusqu’aux os ! Harassée par la fatigue, j’ai lâché la barre pour chauffer de l’eau pour le thé. Le bateau est parti à l’abattée, il s’est couché. Le spinnaker chalutait dans l’eau et force sur le mât, tandis que la bôme claquait sur les bastaques, qui sont des câbles textiles retenant le mât vers l’arrière. Les conséquences peuvent être plus ou moins graves : le démâtage, la rupture de la bôme ou la perte du spi. Outre le stress généré, il faut réagir vite mais sans précipitation, de manière à faire les choses dans l’ordre. Heureusement pour moi, j’ai récupéré mon spinnaker sans le déchirer mais j'ai du couper la drisse. J’ai donc fini la course avec une seule drisse pour hisser mes voiles en tête de mât. ET pour le thé, j’ai du attendre un peu plus !
 
Finir en 9ème position est une belle performance dans ces conditions ?  
Ma radio VHF ayant pris l’eau rapidement, je n’ai pas pu communiquer avec les concurrents proches de moi. Néanmoins, j’entendais tout ! Tant que le signal n’était pas dégradé, je restais dans un périmètre proche. Pouvoir les entendre… c’est ce qui m’a le plus aidé à garder la combativité nécessaire afin de rester au contact. J’ai même réussi à me hisser en 7ème position. Je suis déçue d’avoir perdu la 8ème place, la dernière nuit. Entre l’île de Sao Jorge et l’île de Graciosa, j’ai dormi alors que le bateau était encalminé sous un nuage, sans vent. Mon poursuivant, qui était pourtant à 28 milles, a eu raison de moi. Au petit matin, il était à près de 3 milles devant mon étrave, augmentant son avance jusqu’à 5 milles. Un final de match race, heure par heure, je lui reprenais 1 mille… 20 minutes nous séparent sur la ligne.
 
Il faut remettre les choses à leur place, car parmi les favoris, deux ont eu des incidents techniques qui les ont ralentis beaucoup plus que moi. Pour l’étape du retour, ils seront prêts, le couteau entre les dents. Il faut que je m’y prépare ! De l’espace pour la mer et moi, on ne lâchera rien.
Horta, test du vérin de secours pour déterminer la cause de l'anomalie
Les fixations à l'extrémité du bout dehors ont explosé en mer. N'étant plus retenu vers l'avant, il est monté avec le spi. J'ai réparé en prenant appui sur l'extrémité mais cela a écrasé les parois du tube au bout. Avec Louis et Bertrand, on a coupé les 3 cm de l'extrémité et re-straté un axe pour que mes bouts puissent prendre appui dessus.