Première course de la saison, 6ème de la première étape, alors heureuse ?
Oui, très heureuse, d’autant plus heureuse de cette 6ème place que je termine derrière des coureurs professionnels. En tant qu’amateur, je ne m’entraîne que le week-end, à Lorient. Les contrôleurs de la SNCF me voient plus souvent que ma famille ! C’est ma seconde course en solitaire avec Cupuaçu, pour la première, j’ai fini à la dixième place alors que je venais de l’acheter. 6ème c’est vraiment bien et je sais qu’il me reste une marge de progression, quelques erreurs lors de certaines manœuvres m’ont coûté du temps …
Pourquoi avoir choisi de faire route directe sur Gijon ?
L’option d’une route bien ouest ou bien sud n’a pas vraiment payé. Dans ces conditions de dorsale anticyclonique, les champs de vents annoncés (l’orientation et la force) par les prévisionnistes sont rarement confirmés. On nous promettait de la pétole dans la nuit. Or, les toutes petites conditions du départ se sont transformées en un vent soutenu au fur et à mesure, jusqu’à 24-25 nœuds. La pétole nous a rattrapés dans la journée. Je ne me suis jamais éloignée de la route directe de plus de 5-6 miles vers le sud. Le vainqueur de l’étape s’en est éloigné de 10° maximum.
Explique-nous comment, lors de cette première nuit, tu t’es hissée de la 14 ème à la 8 ème place ?
J’ai dormi durant 6 tranches de 20 minutes, avant que le vent ne forcisse et ne m’oblige à rester à la barre. La plupart des concurrents n’ont eux, pas dormi, à cause de l’excitation du départ et de l’envie de rester en contact avec la flotte. J’imagine que je devais être un peu plus reposée que certains le lendemain. Du coup, quand la pétole s’est installée, j’ai pu garder la barre et rester concentrée pour profiter du moindre souffle d’air.
Quand le vent est monté dans la nuit, j’ai essayé toute la garde robe de Cupuaçu. Le vent venant de l’arrière, je l’ai habillé de son spi, il tracte littéralement le bateau vers l’avant. J’ai eu de quoi m’occuper, portant successivement le spi de 92 m² puis le médium de 66 m², le code 5 de 40 m² et enfin le gennaker de 26 m².On a établi une courbe de performances idéales qui m’indique quelle voile choisir, en fonction de la force du vent et de l’angle de ma route avec la direction du vent.
Quel autre souvenir tu gardes de cette nuit qui a fait basculer ta course ?
C’était magique et magnifique. Un banc de dauphins est venu jouer avec nous, bondissant à l’étrave, sous un clair de lune parsemé de nuages. J’étais concentrée à la barre pour faire bondir mon voilier de vague en vague.
Cupuaçu est suffisamment solide pour traverser l’Océan mais n’en reste pas moins un poids plume, capable de planer sur une vague il y en avait à se gaver cette nuit là. On a fait des surfs in-croy-ables une bonne partie de la nuit, c’était assez hallucinant. J’ai fait des pointes à 16 nœuds et affiché une vitesse moyenne de 13-15 nœuds. Il me fallait maintenir la coque cabrée pour éviter que Cupuaçu n’enfourne.
A chaque fois que je changeais de voile, j’accélérais et je tenais ma route directe. Le temps passé à la manœuvre, quelque fois plus long que je ne l’aurais souhaité, a été rentabilisé par le gain. Cupuaçu a une forme de coque qui, je pense, lui permet, comparativement à ses concurrents, de tenir plus longtemps les surfs sans changer de voilure.
Cette première nuit a été un moment de pur bonheur. Pour éviter les phases de micro sommeil à la barre, j’écoutais la même musique que lors de la Transat. Remontée de sensations et d’émotions… le stress des mois derniers passés à convaincre des sponsors de continuer l’aventure était loin dans mon sillage.
Qu’est ce qui a le moins fonctionné ?
Les manœuvres de changement de spis. Pourtant, je me suis beaucoup entrainée cet hiver pour les optimiser. Comme au travail, tu suis une procédure et tu valides chaque étape. Ma maîtrise n’est pas encore totale, d’autant que là j’ai manœuvré à la lampe frontale, sur le pont avant d’1,5 m², avec prudence. J’ai fait des erreurs, sans conséquence pour le bateau. J’ai simplement concédé un peu de temps à mes poursuivants.
En Mini, le coureur ne reçoit pas le classement, est-ce que tu avais tes adversaires en ligne de mire ?
J’ai entendu de rares échanges à la VHF, c’est plutôt motus et bouche cousue quand on est en tête. Juste avant la première nuit, j’ai repéré mes futures proies, ceux là même qui m’avaient doublée au passage de la pointe nord de l’ile d’Oléron. Ensuite, j’ai traqué les feux en tête de mât. C’est toujours hyper motivant quand tu commences à voir le blanc qui indique l’arrière d’un bateau, changer en lumière rouge ou verte, c’est qu’il est grand temps de mettre ton clignotant pour doubler !
Au petit matin, j’ai vu se détacher un fanion rouge que j’ai pris pour un casier. Comme il ne se rapprochait pas particulièrement et que j’avançais, j’ai compris qu’il s’agissait d’un spi. 4 autres spis se sont détachés au pied des falaises de la cantabrique. Il restait 3h00 de navigation avant le passage de la ligne d’arrivée.
Est-ce que tu as eu des soucis techniques à bord ?
La pile à combustible, qui recharge mes batteries, n’a jamais voulu s’allumer. J’ai un panneau solaire amovible que j’oriente en fonction des rayons du soleil, encore faut-il du soleil ! Pour une étape courte, ce n’était pas grave et je n’ai pas trop consommé d’énergie avec le pilote automatique car il fallait barrer. Pas de souci pour la seconde étape, j’ai trouvé l’origine de l’anomalie : un faux contact !
Photo : Le bonheur sur le visage de Véronique à son arrivée à Gijon.