jeudi 27 septembre 2007

Une course, 89 histoires

Ils ont tous parcouru la même distance, à bord de voiliers sinon similaires, au moins de même taille, dans des conditions de mer et de vent sinon identiques, au moins globalement comparables. Et pourtant chaque regard, chaque visage raconte une histoire différente, un destin diamétralement affecté, une course inversement vécue. Aux sourires d’Isabelle Joschke ou Véronique Loisel, en phase avec leurs bateaux, se répercutent avec la même poignante intensité les regards perdus des marins aux prises avec leurs désillusions. Désillusions face à la trahison d’un bateau pourtant choyé et bichonné durant de si longs mois, désillusions face à un vent et une mer qui auront jusqu’au bout refusé de se laisser, ne fusse qu’un instant, apprivoiser. Et désillusion parfois, la plus cruelle aussi, face à ses propres insuffisances et inconstances. La Transat 6,50 Charente-Maritime/Bahia est à cet égard impitoyable. Même après « seulement » 1 quart de la distance définitive parcourue, elle cingle implacablement les dilettantes et les insouciants qui paient au prix des larmes la moindre lacune ou la moindre présomption. Funchal va ainsi devenir et jusqu’au départ vers Salvador programmé le 6 octobre prochain, le purgatoire des âmes blessés. Mais la Transat 6,50 , c’est aussi, surtout cette communion unique entre tous les marins. Comme le soulignait, Denis Hugues, directeur de course, « je n’ai pas souvenir d’un coureur ayant traîner un autre concurrent devant le jury . » Sur les pontons de Funchal, c’est dans l’exubérante exaltation des longues conversations de comptoirs qu’on cicatrise les plaies, que l’on relativise les plus cruelles souffrances, et qu’imperceptiblement on se laisse de nouveau griser par cet appel confus et maudit de l’espace Atlantique. 89 marins, 89 destins, et à l’heure où nous écrivons, aucun abandon…