mercredi 14 novembre 2007

Ma Transat... par Véronique - 3ème épisode

"Les nombreuses personnes qui ont suivi ta course se sont souvent demandées comment tu faisais pour tenir le coup et pour gérer ton sommeil, surtout sur cette 2ème longue étape de 25 jours. Raconte nous."

Pas facile de ne dormir que d´une oreille !

Être en permanence aux aguets... à l´écoute du moindre bruit suspect. Mais c´est un peu comme la maman avec son petit ou le pilote de ligne avec son avion, on se sent sacrément responsable, même si on a cédé les commandes à la nounou ou bien au copilote !

Toute l´année dernière, j´ai essayé de mieux me connaître côté rythme de sommeil. Parce que le sommeil des navigateurs est un sujet somme toute assez mal connu, et que, je le sais pour les cotoyer, peu de ministes y travaillent, bien souvent par manque de budget. Pas facile quand on sait que le meilleur entraînement est de loin celui du large !

"...pleine balle sous spi..."

Avec Agnès Brion, une spécialiste des troubles du sommeil, et Rémy Hurdiel, étudiant à l´Université du Littoral à Dunkerque, nous avons analysé mon rythme à l´aide d´un actimètre. L´actimètre est un accéléromètre que l´on porte comme une montre et qui enregistre toutes les accélérations du poignet. Les données récoltées par l’actimètre nous ont permis de découvrir mes « portes du sommeil », c´est-à-dire les moments au sein d´une période de 24 heures qui, pour moi, sont favorables à un endormissement rapide et un sommeil réparateur.

Ces portes, j´ai tenté de les respecter lors de la première étape, mais ce n´était pas toujours facile pleine balle sous spi ! La deuxième étape a été beaucoup plus favorable au respect de ces portes parce que, aussi surprenant que cela puisse paraître, j´ai nettement plus dormi et j´ai davantage pu choisir mes moments de repos. En fait, comme cette étape dure 4 fois plus de temps que la première, il faut savoir l´aborder différemment, de manière à se préserver : on ne peut tout simplement pas tenir sur un rythme aussi soutenu et en dormant aussi peu que pendant la première étape ! Pour mieux comprendre, voici quelques chiffres extraits de mon agenda de sommeil :

Première étape Seconde étape
Durée de la course 6,5 jours 23 jours
Nombre d´heures de sommeil minimal visé en 24h 4h 5h
Nombre d´heures de sommeil moyen en 24h 3h 45min 4h 30min
Minimum d´heures de sommeil en 24h 30min 1h 40min
Maximum d´heures de sommeil en 24h 4h 30min 8h

une page du journal de bord de Véronique (cliquer dessus pour zoomer)

Côté confort, j´ai rapidement été « servie » !

En effet, le tout petit matelas dont je disposais s´est crevé dès le premier jour de la deuxième étape. J´ai donc pris l´habitude de le regonfler chaque fois avant de m´endormir. À vrai dire les choses n´étaient pas si mal faites, puisque le matelas mettait une vingtaine de minutes à se dégonfler, précisément la durée de chacun de mes moments de repos.

À bord, je disposais de 2 minuteurs de cuisine et d´un réveil avec une sonnerie puissante. Souvent je mettais les 3 en marche, car... quand on est claqué, la panne de réveil est monnaie courante ! Il y a même une fois où j´ai demandé au mini n°551, à portée de VHF, de me réveiller au bout de 20 minutes. J´avais vraiment peur de ne pas me réveiller, tellement j´étais fatiguée.

Trempée jusqu'aux os

Sur les deux étapes, j´aurai vécu plusieurs jours dans ma salopette et mon « smoke » (veste de quart), trempée jusqu´aux os. Avec mes bottes qu´une manoeuvre à l´avant du bateau avait remplies d´eau... Ce n’était pas très agréable, mais je n´avais pas vraiment froid, même mouillée, sauf à chaque réveil, où je grelottais. Il est vrai qu´Oyapock traçait vers le sud ! L´archipel du Cap Vert passé, je ne portais mes vêtements de mer qu´épisodiquement, à cause de la chaleur de l´air (jusqu´à 32ºC dans l´habitacle) et de l´eau (24ºC). Seul la nuit, je rajoutais volontiers une polaire mais j´étais souvent tiraillée entre l´ idée de risquer de la mouiller ou bien de ne pas la mettre au risque d´avoir froid !

Une seule fois, je me suis mise dans mon sac en polaire pour m´endormir. Le reste du temps, je m´en servais comme d´un oreiller que j´essayais de garder précieusement au sec. Je pensais passer beaucoup plus de temps à dormir dehors, dans le creux du cockpit, à cause de la chaleur à l´intérieur du bateau à l´approche de l´équateur... Et bien non, j´ai dormi les 3/4 du temps dans ma bannette au vent, la tête rivée vers le GPS. C´est là que je dormais le mieux, malgré l´espace que prenaient les sacs de matossage et les bidons d´eau, et malgré la gîte qui ne me permettait pas de m´endormir dans toutes les positions.

J´ai vraiment eu l´impression d´arriver à Bahia presque... reposée. Le rythme que j’ai eu m´a plutôt bien convenu. Je reste persuadée qu´il reste énormément de choses à découvrir sur le sommeil des navigateurs et qu´un sommeil bien géré est une des clés pour la réussite !